À produrable, cap vers l’entreprise régénérative

Cette semaine, j’ai participé à la 16ème édition de Produrable, « le plus grand rendez-vous européen des acteurs et des solutions en faveur de l’économie durable ». Le grand rassemblement des responsables RSE et des « entreprises en transition ». L’occasion de prendre le pouls de leurs avancées en matière de lutte contre le changement climatique (ou du moins, la lutte contre son aggravation). 

À l’heure où, rappelons-le, la barre des +1,5°C a été pour la première fois dépassée, quels scénarios d’avenir pour les grandes entreprises qui « s’engagent »? 

 

#1 Mesurer des impacts 

Ce n’est sûrement pas le cas de toutes les directions, mais dans les services RSE, les impacts écologiques, on les connaît.

Les bilans carbone ont été publiés, les impacts mesurés, aux fresques (du climat, de la biodiversité, de la déforestation…) les collaborateurs ont été formés. On sait qu’il faut agir sur toute la chaîne de valeur, du fournisseur au consommateur. 

On sait aussi qu’il faut rapidement abandonner le doux rêve du « business as usual », que tous les métiers sont touchés (par la raréfaction des matières premières, la modification des chaînes d’approvisionnement…) et que la seule chance de s’en sortir, c’est d’anticiper.

#2 Aller au-delà de la limitation des impacts négatifs 

« On s’est pour l’instant concentrés sur la limite du négatif, on veut maintenant aller au-delà », partage Bénédicte de Gorostarzu, directrice RSE chez Terideal. Ces dernières années, la priorité a été de se mettre en conformité avec les réglementations et d’optimiser les procédés de fabrication et de distribution. 

Et maintenant ? 

Pour Terideal, Mustela, Tikamoon et d’autres, l’objectif affiché est d’aller vers un projet « régénératif », au-delà du réglementaire et de la neutralité carbone, pour avoir des impacts positifs sur l’environnement (en matière de CO2, biodiversité, sols, eau…).

L’enjeu alors n’est alors plus seulement d’optimiser, mais bien de renoncer.

 

#3 Accepter de renoncer 

À Produrable, j’ai beaucoup entendu parler de « renoncements »; et c’est bien une première dans un salon business. Des entreprises annoncent que, pour des raisons écologiques, elles arrêteront des produits et activités pourtant très rentables.

C’est « le cas de Mustella qui arrêtera en 2027, les lingettes pour bébé, faisant une croix sur 20% de son chiffre d’affaires » explique Elisabeth Laville, fondatrice d’Utopies. Une suppression qui vient 13 ans avant l’interdiction législative.

C’est le cas aussi de la Compagnie des Alpes, qui dans le cadre de la mise en oeuvre de sa Raison d’Être, a décidé de prendre 10 engagements et 5 renoncements.

La question centrale pour ces entreprises devient alors : comment accompagner ces renoncements ? 

 

#4 Accompagner le renoncement par le dialogue multi-parties prenantes 

Et plus encore, comment opérer ces renoncements tout en restant socialement et économiquement viables ? Car on y reviendra, les renoncements continuent d’être pensés dans un contexte de croissance.

D’abord, en travaillant en écosystème, avec toutes ses parties prenantes, à la fois internes et externes. C’est d’ailleurs le propre du « projet régénératif » qui considère l’entreprise comme un élément intégré d’un écosystème complexe, naturel et organisationnel.

Ensuite et surtout, en “éduquant” ses clients. C’est un rôle nouveau et pourtant décisif que doivent prendre aujourd’hui les entreprises.

Veolia, pionnière en la matière, a d’ailleurs instauré un dialogue continu entre ses actionnaires, collaborateurs, clients, représentants de la société et de la planète, pour accélérer sa transformation durable. Nous sommes fiers de d’avoir accompagné la construction de la méthode de dialogue “+1”, aujourd’hui en opensource (si ce sujet vous intéresse, participez à notre Masterclass le 11 octobre)

 

#5 Créer de de nouveaux récits 

Les entreprises en ont désormais conscience, elles doivent créer de nouveaux récits de consommation et des imaginaires (vraiment) alternatifs. C’est le défi auquel souhaite s’atteler Anna Le Faouder, avec la prochaine promotion de la Convention des Entreprises pour le Climat.

De ma fenêtre, chez bluenove, aussi, je m’aperçois que penser l’alternative, en dehors du cadre actuel et de ses conditionnements, est sûrement le défi le plus difficile à relever. Pourtant, il s’agit d’un effort indispensable, une bataille que nous ne pouvons en aucun cas abandonner.

C’est pourquoi je suis heureuse de former à la méthode de design fiction Bright Mirror, de nouveaux Brighters, prêts à réunir autour d’eux des collectifs pour construire de nouveaux récits désirables.

L’Assemblée Citoyenne des imaginaires, créée en partenariat avec bluenove, l’ADEME, TF1, Bayard Presse, Veolia, Engie… a justement vocation à accompagner ces transitions en créant de nouveaux objets culturels.

 

Peut-on vraiment parler de changement de modèle ? 

Tout dépend de la perspective.

En chaussant les lunettes du système actuel, ces actions sont courageuses, c’est indéniable.

Pourtant, en les ôtant, on s’aperçoit que les entreprises n’osent toujours pas, ne serait-ce que questionner, l’injonction à la croissance. On renonce certes, mais pour garder, à long terme, ses parts de marché. 

Il reste donc du chemin avant d’arriver au modèle économique de post-croissance, que défend Timothée Parrique.