Et si on évaluait vraiment les démarches participatives ?

Avril, 2023. Les débats parlementaires réinterrogent le fonctionnement démocratique en France, tandis que la publication des résultats du baromètre de la confiance ans le politique par le CEVIPOF[1] met une nouvelle fois en lumière l’aspiration des citoyens à oxygéner notre démocratie par une plus forte implication de la société civile. Pourtant, les démarches de participation citoyenne prolifèrent, tant à l’échelle nationale (Grand Débat National, Conventions Citoyennes…) qu’à l’échelle locale (Budgets Participatifs, Assemblées Citoyennes, Conseils Citoyens…), au point où certaines sont parfois dévoyées. C’est pourquoi, la question de leur impact préoccupe les professionnels.

Retour sur cet impératif d’évaluation des démarches participatives qui fait son chemin.

 

Pourquoi évaluer les démarches participatives ?

 

La bonne nouvelle, c’est que, s’il est nécessaire de les évaluer, c’est que nous avons déjà franchi le cap de la généralisation des démarches participatives ! L’idée est ainsi de capitaliser sur les expériences menées, et de parfaire peu à peu nos méthodes en ne perdant pas de vue la finalité suivante : créer de la conversation pour résoudre au mieux des problèmes complexes.

Le séminaire co-organisé par Démocratie Ouverte et la Société Française de l’Évaluation, le 16 mars dernier au Palais d’Iéna, était justement l’occasion d’échanger entre chercheurs et professionnels, et de clarifier les opportunités soulevées par l’évaluation des dispositifs participatifs :

  • Comprendre l’impact d’une démarche participative sur la décision prise ou sur l’organisation commanditaire (culture participative et managériale, accueil de réflexions critiques, souci du pas de côté…)

 

  • S’intéresser à la question de la place des groupes sociaux et de la représentativité des dispositifs participatifs pour renforcer l’écoute des citoyens éloignés du débat public et des codes institutionnels.

 

  • Mesurer sensiblement l’impact de processus sur le parcours des citoyens et la politisation susceptible d’en découler, avec pour exemple l’élection récente de citoyens issus de la Convention Citoyenne pour le Climat.

 

Quelles sont les initiatives existantes ?

 

Cette journée d’échange a également été l’occasion de présenter des initiatives et projets, notamment :

  • Le DémoMètre : co-construit avec un collectif de parties prenantes, cet indice permet à chacun de mesurer la vitalité démocratique d’un territoire autour de 4 piliers majeurs : la représentation des élus, la transparence des institutions, la culture participative du territoire et enfin le niveau de coopération entre les acteurs. (Pour en savoir plus sur cette initiative : https://demometre.org/).

 

  • Le projet « Gouvernement Ouvert » de l’OCDE : l’objectif est ici de soutenir et de guider concrètement les gouvernements dans l’élaboration de politiques publiques démocratiques innovantes au travers d’un ensemble d’indicateurs concrets.

 

Comment faire pour renforcer les démarches d’évaluation ?

 

A la lumière des travaux menés, notamment par l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne, nous retenons 5 enseignements pour améliorer les démarches évaluatives :

  1. Fixer collectivement des objectifs mesurables en associant les citoyens à ces dispositifs évaluatifs, parfois sur le temps long, afin d’organiser un suivi évaluatif, favoriser une culture participative et répondre au droit de suite.
  1. Définir les priorités et les objectifs de l’évaluation dès le lancement du processus participatif. Ces objectifs vont permettre d’affiner en continu le dispositif, de le réorienter, et de faciliter l’évaluation concrète à la fin du parcours.
  1. Définir des critères et des indicateurs d’évaluation, partagés par l’ensemble des parties prenantes d’un projet afin de s’assurer de la capacité à les mesurer, pour chacune des questions évaluatives : Connaître la diversité sociale des participants demande de mesurer par exemple leur catégorie socio-professionnelle, un indicateur facilement mesurable.
  1. Réfléchir à la temporalité de l’évaluation, notamment pour mesurer les effets et l’impact d’une démarche sur une organisation ou un projet sur le long terme.
  1. Diffuser les résultats de l’évaluation, simplifiés mais fidèles, positifs comme les axes d’amélioration identifiés, afin de rendre compte et de favoriser une culture de la transparence.

 

Plusieurs collectivités se saisissent notamment du premier constat en prenant le pari d’associer les citoyens à l’évaluation des démarches participatives. C’est notamment le cas de la Métropole de Rouen et de son Assemblée Citoyenne faisant suite à la Convention Citoyenne, ou encore des Conseils Citoyens indépendants à Grenoble. Si ces innovations démocratiques sont les bienvenues, Julien Talpin, chercheur en Sciences Politiques au CNRS, rappelle cependant les risques des dispositifs évaluatifs :

 

« Évaluer une démarche n’est pas la préoccupation des citoyens : ces dispositifs demandent une énergie considérable et risque de créer de l’usure participative. C’est en agissant d’abord sur le pouvoir d’agir et l’impact sur les décisions que l’ont les réintéressera à la vie publique ».

 

En effet, les pratiques évaluatives demandent de garder à l’esprit que la démocratie participative doit rester un vaste champ d’expérimentation : il ne s’agit pas d’évaluer à partir d’une formule unique, mais bien de laisser ouvert le champs des possibles pour imaginer, préfigurer et tester de nouvelles manières de faire.

 

Et après ? Évaluer pour rendre-compte et offrir un droit de suite

 

Les opportunités identifiées ainsi que les différents questionnements sous-jacents sont une invitation à expérimenter. Face à une crise démocratique profonde, les démarches participatives représentent une véritable opportunité, mais demandent d’être pour cela méthodologiquement adaptées et judicieusement évaluées pour rendre compte d’une manière transparente, au risque de décevoir profondément et d’aggraver l’éloignement des citoyens de la chose publique.

Chez bluenove, si nos outils d’analyse des contributions citoyennes nous permettent de mesurer précisément et quantitativement la participation, nous cherchons à aller plus loin et développer une démocratie plus inclusive.

Comment ? En mobilisant des dispositifs hybrides, aussi bien en numérique que en présentiel et à diverses échelles, nous animons des communautés de participants mobilisées pour approfondir certains sujets évoqués lors d’une démarche. Nous travaillons à assurer la continuité des interactions entre les cercles de décisions et les citoyens, ou encore nous essayons de mesurer l’impact et l’appropriation des décisions prises sur les citoyens.

Nous considérons notamment qu’offrir un droit de suite concret à une démarche est une condition nécessaire pour développer une véritable culture d’ouverture, de responsabilité et de participation au service des politiques publiques qui contribuera à favoriser les changements de pratiques au sein des organisations publiques et privées.

Vous partagez les mêmes convictions que nous ? Parlons-en ! Contactez Mathilde Maulat et Mattéo Delavaud pour poursuivre collectivement le débat.

[1]https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Barometre%20de%20la%20confiance%20en%20politique%20-%20vague%2014%20-%20Fevrier%202023%20-%20vFR.pdf%20(1).pdf