Bright Mirror : Les imaginaires s’invitent au Paris Peace Forum

A l’occasion de la 5ème édition du Paris Peace Forum, sur le thème  ”Garantir un monde numérique plus éthique et plus sûr”, bluenove, en partenariat avec le Liberty Project, a organisé une journée de séminaire inédite intitulée “Online Peace & Safety : Forging a Common Democratic Vision of Freedom of Expression in Cyberspace.”

Une centaine de personnalités et d’experts du monde entier (décideurs, auteurs de science-fiction, experts, entrepreneurs) se sont réunis au coeur du nouveau campus de Science Po Paris avec une ambition : repenser les moyens de protéger les droits fondamentaux, la sécurité et le bien-être en ligne, et co-écrire un plan d’action partagé entre les différentes parties prenantes.

Comment ? En faisant le pari que nos imaginaires seraient le moteur de nos engagements et l’écriture, un moyen de les concrétiser

Rencontre avec Antoine Brachet, directeur associé et initiateur du mouvement Bright Mirror et Angy Alric, consultant senior chez bluenove qui ont accompagné le projet Liberty dans la construction de cette journée de séminaire pas comme les autres !

 

Antoine et Angy, pouvez- vous nous en dire plus sur ce projet et sur l’objectif de cette journée ? 

 

Antoine – C’était une journée assez magique qui a eu lieu à Sciences Po autour du Paris Peace Forum. Ce projet est né d’une rencontre entre Leïla Morch, Program Manager Europe du Projet Liberty et moi. On se connait via une petite communauté qui essaye de faire avancer des grandes causes, proposer des méthodologies un peu différentes auprès de l’Etat. Leïla était chargée de l’organisation de cette journée pour le Paris Peace Forum et a souhaité profiter de la venue des délégations internationales à Paris pour proposer un « Day Zéro » et réfléchir au réseau social idéal de demain.

Cette volonté d’ouverture sur le futur converge directement avec la vision que nous défendons chez bluenove, en particulier le projet Bright Mirror que j’ai initié depuis plusieurs années et qui consiste à révéler l’imagination de tous pour créer le monde de demainLa possibilité de mobiliser les imaginaires de cerveaux d’experts multidisciplinaires et multiculturels ne pouvait nous laisser indifférent ! 

 

« Le projet d’un Day-Zéro dédié aux contenus en ligne et aux réseaux sociaux était en construction depuis plusieurs mois avec le Forum de Paris sur la Paix. Dès que la question de la méthode choisie est arrivée, le choix de faire un “Bright Mirror” m’a semblé évident.

Dans un monde où les dirigeants sont souvent plus centrés sur la résolution de problèmes que sur la création de possibles, il me semblait essentiel d’offrir à nos invités un espace de projection optimiste, libre des entraves de la réalité où ils peuvent, l’espace d’une matinée, être en position d’avoir vraiment le choix. En s’emparant de thèmes complexes, comme l’IA ou la ville du futur, Bright Mirror donne corps à des imaginaires enrichis de subjectivités multiples. 

En faisant communiquer des personnes parlant une langue différente autour d’un objet commun et universel, Bright Mirror démystifie les sujets qui fâchent et démocratise la prise de parole. Plus de vingts histoires d’imaginaires désirables ont été produites, et ont permis à la centaine d’experts présents sur place d’aborder les ateliers de l’après midi (axés sur des sujets très concrets comme le modèle financier des réseaux sociaux ou l’identité numérique) avec un shoot de créativité, d’imaginaire, et un horizon des possibles agrandit. » déclare Leïla Morch, ex Program Manager Europe du Projet Liberty. 

 

Angy – Lorsque Leïla a fait appel à nous pour designer cette journée de séminaire autour du réseau social idéal de demain, nous nous sommes tout de suite dit qu’il fallait proposer un format différent de ce que les participants avaient l’habitude de connaître (exit les tables rondes, conférences, panels…). Nous cherchions alors à proposer un moment à la fois inspirant et qui permette de projeter une vision collective de ce réseau social idéal. 

 

Comment avez-vous pensé le déroulé de cette journée pour imaginer le réseau social idéal de demain ?

 

Angy – C’est là la force de la méthode Bright Mirror : en mobilisant le design fiction via un atelier d’écriture de récits utopiques et positifs, on permet à des individus de réfléchir, de manière collective à la grande question : à quoi ressemblerait le monde idéal de demain ? 

L’intérêt de l’exercice est double : 

 

 

D’une part, il permet de “vivre de l’intérieur” le voyage du héros tel que décrit par Joseph Campbell et résumé dans le schéma ci-dessous. Sans nécessairement être J.K Rowling, on remarque qu’un récit quel qu’il soit à tendance à suivre ce modèle : le héros passe d’une situation initiale, à la prise de conscience d’un problème majeur qui met en danger son environnement et questionne ses valeurs puis à la préparation d’un grand bouleversement et finalement à l’émergence d’un grand changement sur le monde.

Les participants vivent donc en accéléré ce voyage du héros pendant l’atelier et développent collectivement une vision des changements à opérer sur le monde.

 

D’autres part, il permet au travers du récit, d’exprimer des objets artefacts, concepts : autant de représentations du monde contenues dans nos imaginaires et que nous cherchons ensuite à extraire afin de donner vie à ces “morceaux de futur”.

 

Antoine –  Et le chemin ne s’arrête pas là ! Ça faisait longtemps qu’on réfléchissait chez bluenove à la manière de rendre tangibles les rêves, pour passer véritablement à l’action. Nous avons saisi cette opportunité pour tenter d’aller plus loin et bâtir un nouveau format d’animation capable de donner de véritables leviers d’action pour la suite. Passer du rêve…à la réalité !

 

Quelles méthodes avez-vous utilisées pour ce nouveau format d’animation ? 

 

 

Angy – Nous avons commencé par analyser et extraire les concepts disséminés dans les récits des participants. Cela nous a permis de construire plusieurs “Galaxie des concepts”, des “morceaux” du futur tel que le collectif l’imagine. 

 

 

 

 

L’après-midi, nous avons proposé au collectif de réfléchir au chemin qu’il nous faudrait parcourir pour que ces morceaux de futur adviennent. C’est ce qu’on appelle le back casting, l’idée de travailler à rebours et identifier les étapes pour relier cet avenir au monde présent.

 

 

En croisant leurs expertises et expériences, chaque groupe a pu co-créer un plan d’action détaillé sous la forme d’une transformation map. Par cet exercice d’intelligence collective, chacun a pu proposer des pistes de solutions et participer à construire une vision claire et partagée du chemin à parcourir dans les prochaines années.

 

 

Qu’est-ce que cette journée a apporté ?

 

Antoine – on s’est adressé à une population habituée à discuter de sujets complexes. L’enjeu était d’utiliser ce moment pour créer quelque chose de différent : une communauté pour réfléchir autrement, avec un regard plus ouvert sur le futur et sur des imaginaires alternatifs, non encore pensés. De notre côté, nous souhaitions également mettre en place les conditions nécessaires afin que la réflexion puisse se poursuivre après cette journée. 

 

Angy – Avec cette méthode la question que l’on soulève c’est comment passer du rêve à la réalité ? Comment faire des imaginaires un moteur du passage à l’action ? 

Lorsque l’on pratique l’intelligence collective, on se rend finalement compte que ce ne sont pas forcément les bonnes idées qui manquent mais parfois ce petit coup de boost, ce moment pour s’aligner autour d’une vision partagée et qui donne envie d’y croire.

 

Pourquoi c’est important de s’appuyer sur les imaginaires pour engager un collectif et passer à l’action ?

 

Angy – On sous-estime grandement le pouvoir exaltant de nos imaginaires. C’est un excellent moyen d’initier une réflexion de fond sur des causes complexes comme le futur d’internet. Nous croyons aussi que cette méthode a un très fort potentiel d’engagement, elle permet d’insuffler un vent d’optimisme au sein d’un collectif en faisant de nos visions du monde des sujets de débat apaisés. 

 

Antoine – ça faisait longtemps que j’avais l’intuition que les imaginaires positifs étaient un levier très important pour aborder le futur différemment et passer à l’action.

En 2023, il y a une cristallisation autour de ces imaginaires car au vu des problèmes que nous avons à résoudre et du temps à disposition, les imaginaires semblent être la solution. En tout cas, la réception de tous (y compris les grandes organisations) à ces méthodologies est infiniment plus importante que lorsque nous avons commencé il y a 5 ans. Le succès de l’Assemblée Citoyenne des Imaginaires qui se déroule en ce moment, initiée par Valérie Zoydo et dont nous sommes avec bluenove cofondateurs en est une preuve parmi d’autres !   

 

Est-ce que cette approche peut-être utile dans d’autres contextes ou organisations ?

 

Antoine – Oui, absolument. Nous avons collectivement compris que le monde dans lequel nous vivons appelle d’autres types de solutions que celles déjà mises en œuvre pour résoudre les défis propres à notre époque.

Nous avons tenté l’alerte via la collapsologie, il est temps d’essayer autre chose.

Bright Mirror est une méthode facile à décliner qui permet à toutes celles et ceux qui la pratiquent de renouer avec l’émerveillement. Cet émerveillement qui donne de l’espoir, ce moteur précieux de passage à l’action, à rebours d’une époque aux relents tétanisants.

De plus, cette mise en action est collective. Imaginer ensemble le monde dont nous rêvons, c’est lui donner la possibilité d’exister. C’est lui donner vie, et se donner envie collectivement de le construire.