guide teletravail

« Le télétravail : levier majeur de transformation des modes de travail et des pratiques managériales »

La Région Ile-de-France pratique le télétravail depuis plus de trois ans maintenant. D’un à deux jours par semaine pour les agents du siège, le travail à domicile a démontré toute l’agilité gagnée par l’organisation de l’institution lors du mouvement des grèves des transports fin 2019-début 2020. Le confinement lié au Covid19 met à l’épreuve dans la durée le télétravail et son management. 

Ces derniers mois, bluenove a accompagné la Région pour relever et analyser les bonnes pratiques du télétravail qui ont émergé lors de la période de la grève. Ce fut l’opportunité de rédiger un guide du management à distance. Le but ? Aider les encadrants dans la mise en place de rituels managériaux et utiliser l’intelligence collective dans un contexte où les équipes sont 100% à distance. Ulysse Dorioz, directeur de la transformation de la région Ile-de-France, a répondu à nos questions. 

1- Pourquoi avoir mis en place le télétravail en 2018 et dans quelles conditions ? 

Ulysse Dorioz : Depuis 2016, la Région Ile-de-France réalise une transformation globale de ses modes de travail. L’objectif : construire l’administration de demain, une administration moderne, ouverte et innovante. Pour cela, libérer le travail est essentiel. Libérer, c’est définir un cadre de travail propice au développement personnel, favorisant l’engagement et la responsabilité. Concrètement, il s’agit de redonner du pouvoir à ceux qui font et de favoriser la prise d’initiative. Pour ce faire, il est central de faire évoluer le management d’une posture de contrôle des tâches vers un rôle d’animation au service des équipes. Globalement, il s’agit de profondément renouveler les façons de concevoir et de mettre en œuvre l’action publique.

Précisément, le télétravail représente un levier majeur pour transformer les modes de travail et les pratiques managériales. Depuis son déploiement en janvier 2018, 80% des agents du siège télétravaillent 1 à 2 jours par semaine. Ce nombre représente 80% des effectifs du siège (1 700 agents), dont 98% des missions sont éligibles au télétravail. 

Le télétravail, c’est aussi moins de stress au travail et un gain de productivité potentiel de 20%. En effet, ce moment de la semaine est généralement dédié aux sujets de fond. Une « respiration » qui enlève du stress sur les autres jours passés sur le lieu de travail en interaction avec ses collègues. A ce titre, le télétravail contribue au bien-être des agents. 

Enfin, la mobilité du travail incarne la culture de l’agilité. Il épouse en cela les contours du travail de demain – celui attendu par les nouvelles générations. Permettre aux agents de travailler à domicile ou depuis un tiers-lieu, dans un esprit de confiance avec le manager, c’est se donner une chance immanquable pour l’attractivité de notre organisation. 

2 – Pourquoi y-a-t-il besoin de rituels managériaux en télétravail ?

U.D : En présentiel, nous avons tous nos rituels managériaux, ces habitudes qui font vivre l’équipe et qui animent les liens entre nous. Ils sont pleinement ancrés dans la pratique, et nous n’en avons pas toujours conscience. Mais en ces temps de confinement, je vous invite à vous remémorer ces moments de salutation des équipes le matin et le soir, aux échanges informels à la machine à café, ou aux points projets ad’hoc pour aider un collaborateur qui se trouve face à des blocages dans la conduite de son projet. Bref,  ces rituels sont les déterminants de notre pratique culturelle dans l’organisation du travail. 

A distance, nous avons tous besoin de recréer des temps similaires. Ma conviction est que le télétravail n’est pas un dispositif « auto-suffisant ». Pour le faire vivre et lui donner tout son sens, de nouvelles pratiques managériales sont amenées à émerger. Grâce aux outils digitaux et aux applications collaboratives, tout un ensemble de possibles s’ouvre à nous. Mais cela implique un véritable dialogue avec l’équipe pour initier des pratiques réellement utiles pour les collègues, proches des besoins métiers. Inutile d’inventer des choses qui ne répondent pas aux besoins réels des équipes. Plus le besoin est fort, plus l’appropriation est naturelle. Ces réflexions sont précieuses dans le cadre d’un télétravail continu, comme à l’occasion des grèves de décembre ou aujourd’hui en période exceptionnelle de confinement.   

3 – Comment allier management visuel et télétravail ?

U.D : Beaucoup d’équipes de la Région adoptent le management visuel, convaincues de l’utilité de matérialiser leur gestion de projet. Cette organisation, généralement issue du Scrum Management, implique en plus de repenser les temps collectifs. C’est une opportunité pour repositionner le dialogue sur le « comment on travaille ensemble » au cœur des échanges de l’équipe. C’est une force pour construire cette posture nouvelle du manager – leader.  En conséquence, certaines équipes de la Région abandonnent les réunions de service hebdomadaires traditionnelles, au profit de 2 à 3 réunions par semaines. Des points courts, debout, de 15 à 30min, pour lever les blocages opérationnels de premier niveau et assurer une transversalité de l’information. 

Cette organisation en management visuel s’inscrit pleinement dans la dynamique du télétravail. Chaque membre de l’équipe doit être particulièrement autonome avec une organisation rigoureuse de ses activités. Le reporting à l’équipe devient une composante forte du pacte de confiance établit dans l‘équipe. Avec le management visuel, chacun apprend à partager l’avancée de ses projets, les points de blocages rencontrés. C’est une manière de favoriser l’apprentissage collectif de l’équipe et de faire émerger de nombreuses opportunités et synergies. Ces postures sont des atouts pour bien vivre son télétravail, part une double intégration avec l’équipe : intégration humaine et par projet. 

Management visuel et télétravail sont des catalyseurs pour accélérer ces transformations du travail et accepter de se faire questionner au plus profond de sa pratique managériale. Ce n’est jamais évident ! 

Le télétravail, c’est l’opportunité de sortir des tentations d’un management qui contrôle, qui protège, pour aller vers un pacte de confiance entre le manager et ses équipes. Plusieurs outils existent pour dématérialiser les tableaux de suivi de projets, comme Trello. Les courtes réunions peuvent ainsi se tenir, ce qui diminue les risques d’isolement et d’incompréhension des demandes. Un effet collatéral significatif, c’est la diminution du temps passé en réunion pour le manager. En revanche, la préparation des points et l’anticipation de chacun nécessite une rigueur supplémentaire. C’est en bref « mieux organiser pour plus de liberté ».

4 – Comment renforcer l’autonomie des collaborateurs ?

U.D : Le télétravail tourne la page du management à l’horaire. Au lieu de vérifier l’heure d’arrivée des collaborateurs au bureau, le manager s’assure que chacun a des objectifs clairs et quantifiables, et qu’il a tous les moyens pour les atteindre. D’ailleurs l’installation du siège de la Région au sein d’un bâtiment conçu autour du concept de mobilité renforce cette dynamique. Salle de sport, espace café confortable, tisaneries, jardins, conciergerie, bref tout est fait pour encourager la mobilité, l’échange et l’effet de sérendipité initié par les rencontres du quotidien.  

5 – Comment expérimentez-vous l’intelligence collective dans vos pratiques managériales ?

U.D : Avant le déploiement généralisé du télétravail, les 250 managers ont défini ensemble quelles devaient être les valeurs managériales de la Région Ile-de-France.  La Charte managériale comporte ainsi trois valeurs fondamentales : l’autonomie, la confiance et le sens du collectif. Depuis la généralisation du télétravail, cette communauté continue de travailler pour faire émerger les meilleures pratiques et pour se former à l’animation du collectif.

En sous-groupes, les encadrants partagent et expérimentent des rituels d’intelligence collective. Il s’agit par exemple de tester de nouveaux formats de réunion avec des rôles défini en amont, organiser des séances de priorisation collective des actions sur le court et moyen terme pour l’ensemble de l’équipe, ou encore mobiliser des jeux de rôles simples pour travailler la construction de feedback courts et percutants. En bref, ces rituels favorisent la capacité à déconcentrer la prise de décision, simplifier la gouvernance, valoriser les talents, ou favoriser la prise d’initiative.

Enfin, en période de crise, un rendez-vous a émergé de façon naturelle : une réunion téléphonique hebdomadaire, voire bihebdomadaire selon les besoins, au cours de laquelle tous les managers parlent en direct avec la DRH, qui fait un « bulletin météo », transmet les messages essentiels et encourage la prise de parole spontanée. Cette conférence ouverte est l’occasion de poser librement toutes les questions du moment mais aussi de faire remonter directement, sans filtre, le ressenti du terrain. 

Télécharger le guide du télétravail