Dans un contexte d’incapacité à conduire un débat public apaisé, de désinformation et de polarisation de la société, de défiance et de violence envers les élus et institutions, la démocratie participative constitue, plus que jamais, l’un des instruments indispensables pour construire un nouveau contrat démocratique français. Si la « promesse participative » fait l’objet de différents écueils et critiques, ceux-ci ne doivent pas être mis sous le tapis.
Alors que s’ouvrent ce 1er juillet les Rencontres européennes de la Participation à Toulouse, réunissant plus de mille professionnels du secteur, nous réaffirmons que la démocratie doit être préservée et que l’amélioration de la démocratie participative constitue, plus que jamais, un fil rouge pour améliorer concrètement l’implication des citoyens dans la fabrique de l’action publique,
Nous n’en avons pas du tout fini avec la démocratie participative !
Dans un exercice salvateur, Manon Loisel et Nicolas Rio ont récemment synthétisé dans leur ouvrage « Pour en finir avec la démocratie participative » les lacunes et critiques sous-jacentes aux démarches participatives. Trop souvent, ces dispositifs peinent finalement à atteindre les individus les plus défavorisés ou éloignés de la chose publique. Peu associés aux décisions, ces millions de personnes sont pourtant le cœur battant de notre pays et devraient être le cœur de cible de la participation citoyenne. Trop souvent, et malgré une demande sociale pour « participer », l’absence de dialogue sur des sujets qui tiennent à cœur aux citoyens et qui font l’objet de controverses, tend à rendre ennuyeuses ces démarches. Ces facteurs génèrent souvent de nombreuses frustrations, directement alimentées par l’absence d’impact des conclusions citoyennes, ce qui freine les transformations nécessaires de nos institutions et politiques publiques. Ces conclusions ne doivent cependant pas condamner la participation citoyenne. Bien au contraire, car ces débats sur la meilleure manière de faire de la démocratie participative n’ont d’existence que dans un pays où des débats éclairés basés sur des faits avérés et vérifiés et guidés par le respect de l’égalité, des opinions divergentes et de la liberté d’expression, sont possibles et ces principes respectés. En tant que professionnels, nous ne pouvons rester silencieux par rapport à la situation politique actuelle.
La participation, instrument d’une société écologique, apaisée et innovante
À notre échelle, nous constatons pourtant, à la lumière des centaines de milliers de paroles citoyennes recueillies, de verbatims analysés, comment les citoyennes et des citoyens expriment leur appétence au partage, au dialogue, à la confrontation des idées et des points de vue, et à une démocratie davantage « horizontale » : à l’échelle des territoires, les habitants témoignent de leur envie commune et grandissante de participer à l’élaboration des projets qui impactent leur quotidien. Du côté des entreprises, nous voyons chaque jour aussi, à l’image de l’essor des sociétés à mission, comment se renforce la culture de la coopération et de l’intelligence collective entre parties prenantes. Ce sont d’autant de signaux positifs et enthousiasmants.
En tant qu’acteur de la Civic tech, nous souhaitons contribuer à amplifier la dynamique participative aux côtés des acteurs publics et privés pour améliorer la démocratie du quotidien :
- Nous pensons que la mobilisation des outils numériques associé à des formats participatifs in-situ et conviviaux constitue l’une des briques indispensables pour construire une participation engageante et impactante. Cela nécessite de déployer des efforts conséquents « d’aller-vers » pour communiquer, mobiliser, embarquer mais aussi former le plus grand nombre afin de travailler collectivement sur les conditions de transformations communes et partagées.
- Nous pensons que le choix de questions ouvertes permet aux citoyennes et citoyens de s’exprimer librement sans flécher leurs réponses. Les outils d’analyse sémantique que nous utilisons permettent de rendre transparents les résultats, et d’afficher les consensus, souligner les contradictions, ou encore mettre en exergue les controverses issues des contributions.
- Nous pensons que le développement et l’institutionnalisation des dispositifs délibératifs, conditionnés par un mandat de participation ambitieux et clarifié et consacrant un véritable droit de suite, constitue l’une des clés pour rapprocher les citoyens du personnel politique et passer d’une démocratie consultative à une démocratie véritablement implicative.
Ces convictions et choix méthodologiques ne sont pas neutres, et nous tenons à créer des espaces de dialogue au service du vivre ensemble : pour revitaliser les échanges et prises de décisions entre une grande diversité de parties prenantes. Ce chantier doit constituer le fil rouge de nos combats de demain pour défendre un cap et une vision d’une société apaisée, socialement innovante et respectueuse du vivant.
Pour une démocratie inclusive et engageante !
Soutenir et plébisciter la démocratie participative, maintenant plus que jamais, nous semble donc être indispensable. Dans une société fragmentée, la participation citoyenne, notamment des jeunes, représente aujourd’hui un véritable un motif d’espoir pour proposer des espaces de rencontres et de débats raisonnés à même de freiner notre fièvre collective.
Alors que le risque est réel d’observer des phénomènes de détournement des dispositifs participatifs et de dévoiement de nos institutions, renforcer la participation citoyenne, par “le bas”, doit devenir une priorité de chacun (élus locaux, élus nationaux, associations, citoyens...).
Les propositions d’action ne manquent pas : formation massive des élus et des agents publics aux outils et méthodes participatives à leur disposition, ou encore publication des données issues des consultations, ou enfin instauration d’un « droit de suite » aux démarches participatives. Toutes ces pistes représentent à notre sens autant de chantiers décisifs à ouvrir. Dès maintenant.
Mathilde Maulat et Mattéo Delavaud.