L’irrésistible ascension de l’innovation et de l’intelligence collective africaine

ou Comment Société Générale en Afrique est passée d’une communauté de managers de moins de 80 personnes à l’intelligence collective à l’échelle de tout un continent…

Les premières expérimentations, prémisses d’une culture de l’open innovation

La pan-African Valley Community : le commencement

Tout est né en 2014 de la forte intuition que la transversalité, la transformation digitale et la mutualisation des compétences pour répondre à des enjeux stratégiques, seront des leviers essentiels pour donner une dimension panafricaine aux différentes filiales de Société Générale en Afrique.

Cette intuition a abouti au lancement de la première communauté panafricaine de managers, la PAVC (Pan-African Valley Community).

A sa création, la PAVC ambitionne de « co-construire l’avenir de Société Générale en Afrique ». Elle a pour objectifs de favoriser les synergies entre pays et de contribuer activement au développement business du continent, à travers des “chantiers” consistant à produire des recommandations stratégiques sur un sujet donné.

Ces chantiers permettent ainsi d’adresser des enjeux complexes, en un temps court, en collectif et en ligne sur l’intranet du groupe. Ces caractéristiques laissent déjà poindre les prémisses de l’Intelligence collective qui deviendra massive trois ans plus tard.

L’un des chantiers sur lesquels des membres de la communauté ont planché dès 2015 est le design et la proposition de valeur du futur LAB d’innovation panafricain. Il leur fallait répondre à la question suivante : « Comment s’outiller pour construire la banque africaine de demain ? ». Cela devait passer en interne par l’acculturation des collaborateurs, et en externe par une connexion plus forte avec l’écosystème. Par ailleurs, le choix est fait de créer un LAB en totale immersion dans l’écosystème local en le localisant dans les bureaux de JokkoLabs, l’un des plus grands catalyseurs indépendants d’entrepreneuriat et d’innovation à l’échelle du continent.

Le LAB de Dakar : la naissance de l’écosystème

Le LAB Innovation de Dakar a réussi à devenir en quelques années la pièce maîtresse de l’innovation de Société Générale en Afrique, organisant des concours externes (Hackathon) auprès des start-ups africaines dès 2016, et de nombreux challenges internes d’innovation avec des intrapreneurs du groupe, sur des sujets allant de la satisfaction client à la transformation des agences bancaires.

Pitch de start-ups aux Innov’Days du Lab en février 2016

Pendant ce temps-là, la PAVC crée un réseau plus large et plus fort entre les talents panafricains, les cadres dirigeants des différentes filiales, ainsi que les représentants de la banque à Paris. Depuis 2016, le séminaire PAVC a eu lieu à Casablanca, Dakar, Accra, Alger, et dernièrement, Abidjan. Il a vocation à continuer à tourner dans les différents pays pour créer des ponts encore plus forts dans une communauté qui compte aujourd’hui plus de 200 talents, plus du double de sa taille au lancement.

L’idée du destin commun

C’est d’ailleurs lors d’un séminaire PAVC, en 2017 à Accra, en voyant tout le chemin parcouru par les communautés, leur montée en maturité sur les nouveaux outils numériques et leur désir exprimé de plus de transparence et de transversalité, que l’idée de lancer une consultation massive, à l’échelle de tous les collaborateurs du continent, est née.

Les débuts de l’intelligence collective massive et l’accélération de l’innovation

Ce Big Bang (car oui, c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’une banque internationale décide d’ouvrir l’écriture de sa stratégie à tous ses collaborateurs) s’appelle SAFARI. Une page est tournée.

SAFARI : la nouvelle dimension

Pendant trois mois, de décembre 2017 à février 2018, les 11 500 collaborateurs de Société Générale en Afrique, à travers 18 filiales, sont invités à participer sur SAFARI, via la plateforme Assembl de bluenove. L’ambition est immense :  “Co-écrire à 11 500 la stratégie de la nouvelle Business Unit Africaine à 10 ans”. Ce débat stratégique interne, en suscitant un engagement hors normes (plus de 5 000 participants ont contribué sur la plateforme), installe chez Société Générale le réflexe de recourir à l’intelligence collective pour résoudre des problèmes complexes.

Parallèlement, l’innovation s’incarne. Valérie-Noëlle Kodjo Diop rejoint Société Générale en tant que directrice innovation pour la zone Afrique Outre-Mer (AFMO). Elle lance un “Innovation Program” sur 18 mois avec pour objectif de construire un parcours de bout en bout pour accompagner les start-ups internes et externes à l’entreprise.

« L’Innovation Program est une transformation de notre logiciel pour l’accompagnement de nos start-ups ; soit au niveau de dispositifs en propre que nous sommes en train de construire : Labs, Digital factory, Plateau, mais également au travers de partenariats. » Valérie-Noëlle Kodjo Diop

Discovery, Design, Delivery : le temps de la rationalisation

L’Innovation Program permet de créer un référentiel méthodologique, voué à structurer l’innovation chez Société Générale en Afrique : les 3D correspondant aux trois principaux stades d’évolution d’un projet innovant, de l’idéation à l’industrialisation. Grâce au programme, les 18 filiales de Société Générale s’outillent pour renforcer leurs dispositifs d’accompagnement de start-ups sur ce continuum.

Dans ce cadre, l’équipe innovation oeuvre pour faire émerger les besoins en ouvrant le dialogue directement avec les clients, avec entre autres :

  • L’Arbre à Palabres” (décembre 2017) : un Bootcamp qui questionne les acteurs de l’économie informelle pour cerner leurs besoins, puis un Hackathon, recueillant les solutions développées par des start-ups locales pour y répondre.
  • “Tam Tam” (avril 2018) : Premier exercice d’intelligence collective ouvert aux clients et impliquant à la fois des start-ups, des collaborateurs de Société Générale et des acteurs de l’informel. Il est suivi du Hackathon éponyme autour de la santé et de l’éducation financière. Grâce à ce premier débat à la fois digital et présentiel, l’intelligence collective devient un outil puissant au service de l’innovation.
Sprint de développement lors du Hackathon « L’arbre à Palabres »

Les Innovactors : le temps de la décentralisation

A l’été 2018, des talents liés aux sujets de l’innovation et des nouvelles technologies se regroupent en communauté.  Avec ce nouveau réseau, l’ambition est de diffuser, tester et incarner la culture de l’innovation au sein de chacune des filiales. Un seul objectif : décentraliser le dispositif et le rendre local. Pour ce faire, un référent de l’innovation est nommé dans chaque pays pour déployer le programme d’innovation et l’adapter aux contraintes et aux opportunités locales.

« En s’appuyant sur une communauté d’innovateurs répartis sur le continent au sein de chacune de ses implantations, la Société Générale se met en capacité de transformer son modèle bancaire en s’inspirant des réalités africaines ». Hélène Lac Le Gall

Aujourd’hui, cette communauté compte 26 membres issus des différentes filiales africaines et outre-Mer, des modèles de banque alternative Yup et Manko, mais également les fonctions transverses telles que la conformité. La création d’un écosystème puissant !

La construction d’un réseau : des Labs, des communautés et des consultations  

En 2018, l’Innovation Program passe au troisième stade : l’industrialisation. L’ensemble des démarches se structurent et s’inter-connectent pour mieux accompagner les projets tout au long du continuum.

Dans ce cadre, les équipes entreprennent plusieurs actions :

  • Pour avoir une couverture géographique plus large, le Lab Dakar ouvre des antennes à Douala au Cameroun et Abidjan en Côte d’Ivoire.
  • Trois ans après la création du Lab d’Innovation à Dakar, Casablanca se dote de son propre HUB, complémentaire du premier. Tourné vers les technologies émergentes et l’acculturation interne des collaborateurs, le Hack-Lab de Casablanca est un hackerspace panafricain où se réunissent créatifs et passionnés par la technologie pour créer des synergies orientées vers le faire. Aujourd’hui, le Hack-Lab est bel est bien installé dans l’écosystème marocain et panafricain. Parmi ses programmes, Hack & do, une formation/action sur la Blockchain, Ie Machine Learning et le Big Data, et la Hack Lab Community, une communauté de collaborateurs et clients beta-testeurs qui donnent leur retour sur des projets innovants, de l’idée au prototype.
  • Pour accélérer l’industrialisation de solutions répondant aux besoins des filiales, la direction innovation lance le programme d’open innovation Catalyst.
La formation Hack & Do Machine Learning à Casablanca, Maroc

ZOOM sur Catalyst

Le programme Catalyst est l’une des premières démarches d’open innovation intra-groupe. Elle consiste en la rencontre de problématiques de filiales africaines et d’Outre-Mer avec des solutions d’un écosystème de start-up indien via Société Générale Global Solution Center à Bangalore.

L’intérêt de cette démarche est d’apporter des solutions duplicables à des besoins partagés par une majorité de pays sur un temps court. Aujourd’hui, les start-ups indiennes ont prototypé 10 cas d’usages en 10 semaines. Ces cas seront industrialisés après sélection à l’automne 2019. Le programme Catalyst est un exemple d’accélération de mise en production sous le mode du Delivery au sein la direction de l’innovation.

L’intelligence collective se démocratise

Même montée en puissance pour l’intelligence collective. Celle-ci devient un véritable outil au service de la stratégie et des opérationnels. Elle épouse des sujets allant de l’innovation produits (on lance le débat SAFARI Retail pour récolter des idées afin de mieux servir la banque de détail), à l’innovation culturelle avec le projet Diversity for Africa. Ce dernier visait à ouvrir le débat pour faire de Société Générale une entreprise plus équitable avec toujours plus de diversité.

En conclusion, si l’on regarde aujourd’hui le chemin parcouru par Société Générale en matière d’innovation et d’intelligence collective, on ne peut qu’être optimiste.

  • L’innovation s’est structurée et industrialisée grâce à aux dispositifs en dur (LAB, Digital Factory…), à l’acculturation avec les Innovactors et au processus 3D;
  • L’intelligence collective est devenue un réflexe pour le top management d’AFMO mais aussi pour les fonctions Innovation et RH. Plusieurs filiales (Maroc, Côte d’Ivoire, la Réunion) ont également su s’en saisir pour mobiliser leurs collaborateurs & clients et co-créer de nouvelles connaissances.
Bootcamp « Tam Tam » avec des acteurs de l’informel

 

En deux ans, Société Générale a lancé huit démarches d’intelligence collective, récoltant un total de 13 000 contributions, fédérant plus de 11 500 collaborateurs et créant une véritable unité panafricaine.

Le chemin qui reste à parcourir est tout aussi enthousiasmant. En effet, parmi les projets à venir figurent la création d’une gouvernance propre afin de faire de la Business Unit africaine un pôle d’excellence en matière d’intelligence collective pour le groupe, le passage à l’échelle de l’Innovation Program et le lancement d’un grand débat panafricain sur l’impact de l’IA sur les métiers de la banque en Afrique. Passionnant, non ?

Article co-écrit avec Hajar Chokairi et Ornella Maghany